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« Les belles images » - Où il est question en 1908 du coup de canon de midi à Nice

mercredi 28 mars 2018

J’ai découvert récemment l’hebdomadaire illustré pour la jeunesse « Les belles images » (1904 - 1936). Il proposait chaque semaine une pleine page de vulgarisation scientifique intitulée « La Science en Famille » (tiré de l’hebdo « La Science Illustrée »). Par le biais de l’éducation des jeunes, sans le dire, il s’agissait aussi d’éduquer les parents, ou au moins de créer du lien autour des connaissances scientifiques - on n’a finallement rien inventé ! Au programme de la « La Science en Famille » : expériences de physique ou de chimie, géométrie, calculs, jeux de logique, histoire, ombres chinoises, … . Mais j’y reviendrai dans un futur billet.

Au détour de la lecture des ces pages de vulgarisation, je suis tombé sur un article où il est question de notre fameux canon niçois qui sonne midi chaque jour. C’est le point de départ d’une petite leçon sur la différence entre heure astronomique et heure civile.

Voici le contenu textuel de l’article :

Le canon du Palais-Royal

Il y a quelques années, la municipalité de Nice, désireuse de fournir l’heure exacte a ses aristocrates habitants, avait décidé que tous les jours un coup de canon serait tiré de la terrasse du château à midi juste.
Or, chaque jour, les Niçois attentifs au coup de canon, consultaient leurs montres ou leurs chronomètres, regardaient leurs horloges et s’apercevaient que montres, chronomètres, horloges n’étaient jamais d’accord avec l’heure du coup de canon, il y avait chaque jour ou du retard ou de l’avance. Tous les horlogers de la ville étaient mis à contribution, les montres soigneusement repassées, les balanciers des pendules vérifiés ; rien n’y faisait, il y avait toujours une différence !
Enfin, cela devenait inquiétant, les plaintes affluèrent au conseil municipal ; lequel ordonna une enquête, qui fut entreprise et qui aboutit à cette originale constatation :
le signal du coup de canon était donné par le gardien du parc, qui réglait ce coup sur sa montre dont il avait fait l’acquisition moyennant le prix de 4 fr. 98 !
Les erreurs dès lors s’expliquaient.
Je ne puis passer dans le jardin du Palais-Royal sans me rappeler cette histoire.
En effet, dans ce jardin, il y a un canon qui sonne à midi, quand il fait du soleil, et alors on voit tout autour de la promenade des gens qui, gravement, sortent leur montre et la règle religieusement sur le midi donné par le coup de canon.
Or, seulement quatre fois par an le coup de canon du Palais-Royal correspond au midi civil.
Le midi qu’il indique tous les jours est le midi astronomique qui se décale de 15 minutes soit avant soit après le midi donné par une horloge bien réglé.
Et on va de suite comprendre pourquoi.
Nous avons fait dessiner sommairement sur la figure ci-dessous une projection de l’orbite terrestre, représentée par la ligne courbe OO’, la terre en A et B occupe deux positions pour un jour d’intervalle, en haut les rayons figurent ceux émanées du soleil ; le méridien tracé est celui de Paris, les lignes pointillées, la ligne imaginaire qui passe par les centres du soleil et de la terre.
Il est midi, au point de vue astronomique, quand le centre du soleil est exactement au méridien d’un lieu. Donc en A il est midi, parce que l’axe méridien de Paris se trouve sur la même ligne que celle joignant le centre des deux astres. La Terre tourne sur elle-même dans le sens indiqué par les flèches, et en même temps se déplace le long de son orbite, le parcours dans le sens de la flèche, c’est-à-dire de gauche à droite, dans le sens contraire des aiguilles d’une horloge ; le lendemain, elle se retrouve en B. Or, dans cette position, elle aura fait un tour entier sur elle-même, quand elle sera dans la position représentée par le train plein…, il faudra donc qu’elle continue à tourner pendant 3 minutes 56 secondes pour atteindre cette position. Ainsi une montre bien réglée qui a marqué midi quand la terre était en A doit marquer le lendemain 11 heures 56 minutes et 4 secondes, pour être d’accord avec le midi astronomique.
Mais ce n’est pas tout, la Terre ne tourne pas tous les jours avec la même vitesse. Quand elle est à son aphélie, c’est-à-dire en été quand elle est plus éloignée du soleil, elle tourne plus lentement sur elle-même qu’en hiver, où elle est au periphélie, c’est-à-dire le plus proche du soleil. Il s’ensuit que le nombre de minutes et de secondes entre deux midis varie énormément.
Les astronomes, pour déterminer la durée du jour, notent le passage d’une étoile (c’est-à-dire un point infiniment éloigné) au méridien d’un lieu et il y a toujours entre les deux passages un nombre fixe de 86 165 secondes (environ) ; or, ce temps donne 23 heures 56 minutes 4 secondes, qui est la durée exacte de rotation de la Terre.
Il s’ensuit donc qu’il y a par an 366 rotations un quart de la Terre et qu’il n’y a que 365 jours un quart ; la Terre tourne par an une fois pour rien !
Dès maintenant on comprend que le canon du Palais-Royal ne puisse donner l’heure exacte et bien fous ceux qui vont là régler leur montre.
En 1908, quatre fois seulement, le midi vrai sera presque en concordance avec le midi moyen civil.
Ce sont les

  • 15 avril, différence 6 secondes (le temps civil sera de midi 6 secondes)
  • 14 juin - 3 - (temps civil : 11h. 59M. 57s.)
  • 1er septembre - 26/100 de sec. - (temps civil : midi)
  • 21 décembre - 2 secondes - (temps civil : 11h. 59m. 58s.)

Donc, si vers ces dates vous passez par le Palais-Royal et qu’il fasse beau et que le canon parte, votre montre devra indiquer les heures que nous avons mises entre parenthèses.
Le canon du Palais-Royal se compose du canon sur la lumière duquel on dépose une matière inflammable ; une lentille bi-convexe est disposée de façon qu’elle concentre les rayons lumineux du soleil au moment où celui-ci a son centre sur l’axe de la lentille, lequel est parallèle au méridien de Paris. La matière prend feu et l’ignition se communiquant à la charge, le coup part au midi vrai.
Encore une illusion que j’enlève aux braves bourgeois, qui ne manqueraient pas de consulter l’heure au célèbre canon, mais ils m’en sauront gré, je l’espère, pour le peu de vérité que je leur apporte.